Mamour Seck, enseignant à la retraite, retrace, dans un document parvenu à Seneweb, l’histoire de Pathé Badiane. Du nom de la bataille historique qui consacra, un matin de 30 novembre 1865, la victoire des troupes musulmanes sur les troupes françaises dirigées par Pinet Laprade. Pathé Badiane, située à 8 km de Nioro et 3 km de Paoskoto dans le centre du Sénégal.U n document que Seneweb vous livre un extenso. « JAA -JËF”
« Almamy Ma BÂ Diakhou
I./ Bref rappel du contexte socio-politique et économique du Sénégal de l’époque.
Face à un système politique Ceddo du Rip-Badibou rongé à la longue par la Traite Négrière en fin de cycle et coexistant avec la pratique de » l’asservissement interne « , les sujets opprimés des » Bours « et « mansa » avaient hâte de humer enfin l’air de la liberté. Il est aisé alors de comprendre que la dernière moitié du XIXe siècle fût l’époque de la pratique de la « Guerre sainte » ou Djihad. C’est cette conjoncture qu’exploitera le réformateur Ma BÂ Diakhou, au nom de l’Islam, pour organiser et former ces populations, et notamment les paysans victimes des razzias, à la résistance à l’oppression. En 1861, en riposte, il fut obligé de déclencher un Djihad certes instantané, mais surarmé par la dynamique de la Foi (musulmane). Galvanisés par l’élan de cette foi nouvelle, Ma BÂ et ses talibés-combattants parvinrent à mettre bas l’ordre établi depuis au moins quatre siècles dans le Rip où il est né.
De 1862 à 1864, les Djihad que les talibés en armes menèrent avec succès permirent à Ma BÂ de gagner la sympathie des populations de la plupart des entités du Saloum, du Cayor, du Djolof, du Niani, etc. ; et d’élargir les limites territoriales du Rip. C’est dans ce contexte que le preux Cayorien Lat- Dior, déchu de son titre de Dammel par le Gouverneur Faidherbe, se résolut à demander asile à Ma BÂ en 1864. Il était accompagné de ses fidèles les plus valides qui étaient prêts à se convertir à l’Islam. Ce fait coïncidait avec la recrudescence des interventions militaires françaises aux côtés des tenants de l’ordre ancien. Dès lors, du côté de Ma BÂ, l’esprit du Djihad ne se limitait plus simplement à l’islamisation mais incluait aussi la résistance à la conquête coloniale. D’autant que même certains tirailleurs de la Colonie préféraient exercer librement leur religion au sein d’une même communauté libérée et plusieurs autochtones de cette époque s’accommoderaient de la tutelle du Rip plutôt que d’être des sujets de la Colonie, elle-même tributaire d’une métropole lointaine.
Cette nouvelle donne confortait Ma BÂ dans sa mission consistant dorénavant à allier sa Stratégie globale de défense plus affinée et la poursuite du projet de création d’une Grande entité sénégambienne musulmane en chantier: rempart de la Foi, diplomatie préventive active, mise en place de « tata » (fortifications quasi imprenables), perfectionnement du réseau de renseignement et d’espionnage licite, restructuration des unités de l’armée, tactiques et stratagèmes mieux adaptés au contexte climatique et environnemental, etc.
II. Les prémices de la “ Bataille de Pathé Badiane ”
Il ne s’agit pas de retracer, de façon exhaustive, la vie et l’œuvre de l’Almamy. Mais il sied de souligner les faits saillants de l’actualité dominante de l’époque en lien avec le sujet qui nous préoccupe.
Dès 1862, Ma BÂ était devenu le chef politique légitime et le guide religieux du Rip et des « pays » avoisinants tels que le Sabakh, le Sandial, le Paos Koto, le Niom, etc. tombés dans son giron. Au point de porter désormais le précieux surnom Almamy du Rip-Badibou « , avec comme capitale Nioro (ci-devant Paos-Dimbah , nouvelle appellation à consonance musulmane).
En 1864, la seconde campagne victorieuse de Ma BÂ dans le Saloum eut une portée diplomatique incontestable. Ce qui ne pouvait laisser indifférent le Gouverneur Faidherbe, car la Colonie était tenue de préserver les intérêts commerciaux des Français installés à Kaolack. En atteste cet extrait d’une correspondance adressée à l’Almamy le 23 mai 1864 :
« Respecte donc partout nos nationaux, nos postes et nos territoires, la rive droite du Saloum est à nous jusqu’à portée de canon et de l’eau » .