Nouvelle opposition : « Gatsa-gatsa » d’idées (Par Dr Yoro DIA )

 La meilleure leçon de démocratie, la meilleure revanche, le meilleur Jubanti politique que la nouvelle opposition peut infliger à Pastef est de ne pas lui ressembler.

Nous ne serons pas une opposition comme Pastef parce que nous n’avons pas les mêmes valeurs, ni la même idée de la République. C’est pourquoi notre opposition sera un gatsa gatsa d’idées mais pas un gatsa gatsa de cocktails molotovs pour bruler l’université ou des bus au point de cramer des pauvres jeunes filles innocentes.

Nous serons une opposition républicaine pas insurrectionnelle. Nous ne saurions être une opposition de casseurs pour deux raisons élémentaires. Premièrement, c’est contre nos principes et de l’idée que nous nous faisons de la democratie et de la République.

Deuxièmement c’est du simple bon sens : le peu d’infrastructures qu’il y a dans le pays a été construit par nous. Donc cela n’a aucun sens de casser ou de saccager ce que nous avons construit comme l’opposition Pastef s’est efforcée à le faire avec le TER et le BRT… Donc nous invitons tous les manifestants particulièrement les étudiants à éviter les casses parce que le nouveau gouvernement ne construira pas grand-chose. Son agenda est tout sauf économique. Son seul agenda et ses priorités sont plus dans le règlement de comptes qu’une reddition des comptes qui est un mode normal de gestion. Comme les 100 jours, les 9 premiers mois nous donnent une idée de ce que seront les 4 prochaines années : tension politicienne permanente et immobilisme économique en attendant une régression sociale. Avec la majorité à l’assemblée, Pastef n’a plus aucun alibi mais va continuer à en chercher à travers une tension politicienne artificielle et le complotisme à l’international. Dans les semaines qui viennent pour justifier le coma économique dans lequel ils ont plongé le pays par leur amateurisme et leur incompétence, ils vont probablement se cacher derrière « l’héritage des années Macky Sall » et le complot international (refus du FMI de décaisser).

Sur le plan économique Pastef a été bien inspirée de prendre le baobab pour illustrer leur « vision 2050 » parce que le Baobab résume bien l’immobilisme économique de Pastef. Le duo Diomaye Sonko qui n’a pas encore compris que le temps ne chôme pas. En plus d’incarner l’immobilisme, le baobab peut défier le temps, ce temps que les urgences économiques et l’angoisse existentielle des jeunes ne donneront pas à Diomaye-Sonko. Le Baobab est un bon symbole pour une République qui se veut intangible, qui transcende les générations mais le prendre comme symbole d’une vision économique relève de l’indigence intellectuelle ou reflète un manque d’ambition qui sacrifie le volontarisme sur l’autel de l’immobilisme. Le temps qui est le pire adversaire de Pastef est notre meilleur allié. Le moteur de Pastef est la tension politicienne permanente. Nous allons couper le moteur en créant un climat calme et apaisé et laisser Pastef à ses contradictions interne comme l’avait fait Obama face à l’Iran avec son concept de « patience stratégique ». Avec cette patience stratégique qui avait permis la signature des accords sur le nucléaire, l’Iran ne pouvait plus focaliser les énergies et frustrations sur la menace extérieure pour faire oublier les contradictions internes notamment les problèmes économiques. Nous aussi avec la patience stratégique, nous ne voulons plus que Pastef use et abuse de ses armes politiciennes de distraction massive comme la Haute cour de Justice, le souverainisme anachronique, le débat de loi sur l’amnistie qui exprime le regret de l’echec de l’insurrection et donc la survie de l’exception sénégalaise, les 1000 milliards trouvés dans un compte….

Cette patience stratégique nous vient du constat qu’il y a entre l’agitation politicienne et le calme citoyen le jour des élections. Avec le calme et la stabilité qu’induit la patience stratégique, les sénégalais constateront l’état de l’économie que Pastef a mis dans le coma et surtout les grandes difficultés financières des mois à venir depuis que notre Premier Ministre a qualifié le Sénégal d’Etat faussaire. Qui va investir ou prêter de l’argent à un Etat faussaire ? Donc concrètement, notre économie qui est dans le coma ne peut pas financer nos besoins et notre Premier Ministre par son incompétence a cassé le robinet du marché financier international. Le temps des incertitudes est devant car le Sénégal va récolter le doute, le ressentiment et la peur que Pastef a semé au lieu de la confiance qui est le moteur de l’économie. Concomitamment à la patience stratégique, notre opposition sera aussi celle d’un dialogue critique avec le gouvernement. Quand le gouvernement prendra une comme le volontarisme sur le 80e anniversaire de Thiaroye 44, nous la saluerons comme nous critiquerons chaque fois que nous penserons qu’il n’est pas à la hauteur comme la faible représentation internationale (5 chefs d’Etat dont 3 voisins) pour un évènement d’un si « gros calibre » confirmant ainsi l’affaissement de notre diplomatie. Ce dialogue critique permet à l’opposition d’être à niveau parce qu’il s’adosse sur une sorte de « shadow cabinet » ou gouvernement parallèle, qui prépare le retour de l’opposition aux affaires. Le meilleur exemple de ce shadow cabinet et du dialogue critique aura lieu à l’assemblée nationale avec deux « gros calibres » Yassine Fall et Aissata Tall Sall. Naturellement le dialogue critique est aussi une affaire d’urbanité et de civilité, une affaire de Gentlemen et de ladies comme on le voit dans le plus vieux parlement du monde, celui de Westminster. Avec la nouvelle opposition, notre democratie redeviendra une aristocratie d’orateurs pas de gladiateurs comme on l’a vu lors de la 14e législature avec des barbares qui mettent se debout sur la table, confisquent des urnes.

Avec le gatsa gatsa d’idées nous allons chasser les barbares du Temple et retrouver l’aristocratie d’orateurs comme les faces à face Abdoulaye Wade et Mamoudou Toure, Abdourahim Agne Ousmane Ngom ou Djibo Ka. Avec la patience stratégique et le dialogue critique, nous voulons, dans les prochaines années faire de notre pays, une democratie à la fois dynamique et pacifique afin reconquérir pacifiquement le pouvoir grâce à des idées, à une ambition et une nouvelle vision contrairement à Pastef qui a des positions, des postures, des poncifs mais aucune vision et pire encore aucune ambition pour l’économie qui fait que le Sénégal coule alors que la Cote d’ivoire décolle tranquillement vers l’émergence. Le gatsa gatsa d’idées qui signifie faire de notre democratie une affaire de gentlemen et de ladies relève du bon sens parce que l’alternance étant devenue la respiration de notre democratie, l’opposition d’hier est le pouvoir d’aujourd’hui qui deviendra l’opposition de demain. Mieux encore opposition comme pouvoir nous avons le même objectif qui est de faire émerger le Sénégal mais avec simplement des regards différents. C’est cette différence de regards qui fonde le débat contradictoire que le peuple tranche lors des élections, ce qui fait de la transhumance, cette exception sénégalaise une ignominie sans parler du déshonneur dont se couvre son auteur. Dialogue critique veut dire « enracinement » dans ses convictions et valeurs mais « ouverture » au dialogue qui est consubstantiel à la democratie où tout est relatif d’où la permanence du débat contradictoire qui est le moteur de la démocratie.

Dr Yoro Dia, Politologue, Ancien Ministre

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