Malgré le traitement expéditif, par moment, dans l’affaire M. Mbaye Niang contre Ousmane Sonko, il faut tout de même reconnaître que le verdict rendu comporte des relents d’apaisement.
En effet, il aurait suffi simplement que le Tribunal prononçât une amende correspondant à 1/1000 du montant à verser en guise de dommages et intérêts au demandeur, pour que le prévenu perde provisoirement son droit d’être électeur et, par là même occasion, son éligibilité pour cinq (05) ans. Or, le défenseur, condamné à une peine de deux (02) mois avec sursis et à réparer un préjudice, échappe de ce fait aux dispositions des articles L.29 et L.30 du code électoral.
Dès lors, l’on peut tenter d’apprécier ce verdict, du reste provisoire, en tirant quelques enseignements.
En premier lieu, il démontre la capacité de l’État à garantir le fonctionnement normal de la justice par-delà les préjugés et autres ressentiments. Il y a lieu de rappeler les nombreux renvois en vue du respect du droit au procès équitable. Toutefois, il est regrettable de constater, à présent, une remise en cause du droit de la défense sous certains aspects…
En deuxième lieu, il intègre les dispositions du code électoral qui instaurent la déchéance électorale automatique et indifférenciée, sans que celle-ci ne soit prononcée comme peine complémentaire par les juridictions. De ce point de vue, le juge a bien statué dans les limites du respect du droit fondamental de suffrage du citoyen.
En troisième lieu et subséquemment à la considération, le verdict, n’en déplaise certains partisans de tous bords, va dans le sens de contribuer à la sauvegarde de la stabilité et de la paix sociale et à la préservation de l’image de notre modèle démocratique.
Enfin, la décision rendue par le Tribunal ne referme pas les portes du dialogue politique, tout aussi indispensable durant ce tournant si décisif que notre cher pays devra passer, en gardant ce qu’il a de plus essentiel : les fondements de la République, la garantie de l’Etat de droit, la préservation de l’unité et la cohésion nationale, par-delà les convulsions inhérentes à toute compétition électorale.
Pour ce faire, il ne faudrait surtout pas envisager une interprétation tendancieuse du code électoral – résultante d’un droit textuel – dans un sens non édicté, même si le droit de recours est garanti dans les procès. L’article L.29-4 visant le jugement par contumace concerne les matières criminelles. À cet effet, il ne saurait prévaloir dans le cas d’espèce, encore que cette disposition susvisée ne cite nullement le jugement par défaut.
Il nous revient encore d’alerter les différents camps politiques, sur l’urgence à revoir certaines dispositions du code électoral relatives aux conditions de participation à l’élection présidentielle, notamment les articles L.29 et L.30 ainsi que les modalités régissant le système de parrainage. La problématique de l’enrôlement des primo-votants, qui demeure une faiblesse malgré les efforts consentis depuis près de vingt (20) ans par l’Etat du Sénégal, ne doit pas être laissée en rade. Il y va de la modernisation et de la fiabilité du fichier des électeurs. Ceci a été attesté par les différentes missions d’audit du fichier électoral.
Sous ce rapport et en guise de rappel, il apparaît que la solution pour une prise en compte efficiente des primo-votants, réside dans la possibilité de l’enrôlement sur présentation du récépissé de la demande de la carte nationale d’identité biométrique CEDEAO, comme ce fut le cas en 2018. De plus, la prorogation de la période de révision exceptionnelle des listes électorales préconisée par le Collectif des Organisations de la Société civile pour les Élections (COSCE), devrait être prise en compte.
Voilà des gages d’un processus électoral intègre, inclusif, apaisé.
Le 30 mars 2023
Ndiaga Sylla, Expert électoral,
Président du Dialogue Citoyen